La Société Française d’Ecologie (SFE) vous propose en cette fin d’année 2014 ce regard de Claire Dussud et Jean-François Ghiglione, écotoxicologues, sur la dispersion et dégradation des plastiques en mer.
MERCI DE PARTICIPER à ces regards et débats sur la biodiversité en postant vos commentaires et questions sur les forums de discussion qui suivent les articles; les auteurs vous répondront.
La dégradation des plastiques en mer
par Claire Dussud1,2 et Jean-François Ghiglione1,2
1 : CNRS, UMR 7621, Laboratoire d’Océanographie Microbienne, Observatoire Océanologique, F-66650 Banyuls/mer, France
2 : Sorbonne Universités, UPMC Univ Paris 06, UMR 7621, Laboratoire d’Océanographie Microbienne, Observatoire Océanologique, F-66650 Banyuls/mer, France
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Mots clés : écotoxicologie microbienne, écosystèmes marins, déchets, réseaux trophiques, bioaccumulation, bioremédiation, relation Homme-Nature
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Le devenir des déchets en mer est une préoccupation environnementale de premier ordre qui fait aujourd’hui partie de la définition du « bon état écologique » des écosystèmes marins, selon la Directive Cadre Sur le Milieu Marin (DCSMM, descripteur n°10). En milieu marin, ces déchets sont composés de 40 à 80% de plastiques (Barnes et al., 2009). Des travaux récents estiment à 5 250 milliards le nombre de particules plastiques qui flottent à la surface des mers et océans, équivalent à 268 940 tonnes de déchets (Eriksen et al., 2014).
Une pollution mondiale
La pollution par les déchets plastiques touche tous les océans, y compris les zones polaires. Il existe néanmoins des zones d’accumulation créées par des courants marins appelés gyres océaniques (Lebreton et al., 2012). La plus connue est la zone d’accumulation dans le gyre du Pacifique Nord (« 7ème continent de plastique » ou « grande zone d’ordure du Pacifique»), mais cet exemple n’est pas un cas isolé. Les modèles de circulations océaniques suggèrent des zones d’accumulations dans quatre autres gyres (Pacifique Sud, Atlantique Nord, Atlantique Sud et Océan Indien). La Méditerranée est également très polluée par les plastiques du fait de son caractère de mer semi-fermée, avec un taux de renouvellement des eaux de 90 ans alors que la persistance des plastiques est supérieure à 100 ans (Lebreton et al., 2012).
La présence de ces matériaux synthétiques dans le milieu naturel est relativement récente, puisque l’essor de l’industrie du plastique date des années 1970. Les débris plastiques retrouvés à la surface de l’eau sont dominés par les particules de taille inférieure à 5mm, communément appelées des microplastiques (Hidalgo-Ruz et al., 2012). Les microplastiques sont issus de la fragmentation des plastiques et sont également dispersés dans tous les océans (Ivar do Sul et al., 2014). Ces fragments sont très stables et peuvent parfois persister jusqu’à 1000 ans dans le milieu marin (Cózar et al., 2014).
Toxicité des plastiques et perturbation des chaînes alimentaires
Dans l’environnement, la pollution par les plastiques peut avoir plusieurs conséquences. Mise à part la pollution visuelle qu’ils engendrent, les plastiques touchent les organismes marins de manière directe ou indirecte à différents échelons de la chaîne alimentaire (Wright et al., 2013). Au plan chimique, les matières plastiques sont constituées d’enchaînements de séquences identiques (ou polymères) de molécules carbonées, principalement d’hydrocarbures*, molécules organiques toxiques pour de nombreux organismes, susceptibles de s’accumuler le long des chaînes alimentaires.
Dans les zones d’accumulation, la concentration de microplastiques observée (de taille de 0,5 à 5mm) est comparable à celle du zooplancton (entre 0.005 mm et plus de 50 mm). La Méditerranée, par exemple, présente des ratios microplastiques/zooplancton entre 1/10 à 1/2 (Collignon et al., 2012). Le risque pour les prédateurs du zooplancton (i.e. les poissons) d’ingérer du microplastique est donc considérable. Le temps de résidence du plastique dans de petits poissons pélagiques est évalué entre 1 jour et 1 an (Davidson & Asch, 2011). Les fragments de microplastiques ingérés sont retrouvés dans les déjections des animaux, ils peuvent couler avec les cadavres ou encore être transférés aux prédateurs et ainsi atteindre les échelons supérieurs de la chaîne alimentaire (Cózar et al., 2014).
Les plastiques sont également des vecteurs de dispersion de composés toxiques qui peuvent aussi s’accumuler dans les chaînes alimentaires. Ces composés peuvent être directement présent dans la composition des plastiques, ou bien s’adsorber à leur surface. Dans le premier cas, il s’agit d’additifs (phtalates, biphényles) incorporés à certains plastiques pour augmenter leur résistance. Différents travaux ont montré que ces composés peuvent être toxiques pour certains animaux et l’homme (Lithner et al. 2011). D’autres composés toxiques (hydrocarbures, pesticides, DDT, PCB) peuvent s’adsorber sur les plastiques, ce qui est susceptible d’augmenter leur dispersion, leur persistance en mer et leur accumulation dans les échelons trophiques les plus élevés (Teuten et al., 2009).
Les effets désastreux de l’ingestion des débris de plastiques confondus avec des proies sont également bien documentés, avec des conséquences sur les systèmes digestifs des animaux tels que les poissons, les oiseaux, les tortues de mer et les mammifères marins, pouvant entraîner leur mort (Andrady 2011). Ces débris sont également considérés comme vecteurs de dispersion d’algues toxiques (Masó et al. 2007) et de microorganismes pathogènes (Zettler et al., 2011).
Dégradation des plastiques en mer
Plusieurs études se sont attachées à décrire les étapes physiques, chimiques et biologiques intervenant dans la décomposition du plastique (Andrady, 2011). La dégradation biologique est en majeure partie réalisée par les microorganismes, essentiellement des bactéries (Shah et al., 2008). Organismes les plus abondant dans les océans (~100 millions de bactéries et >500 espèces par litre d’eau de mer), ces microorganismes invisibles à l’œil nu ont des capacités métaboliques extrêmement variées. Dans leur milieu naturel, les bactéries jouent un rôle d’éboueur des océans (organismes saprophytes) puisqu’elles reminéralisent la moitié du carbone organique qui provient des déchets de la chaîne alimentaire. De nombreuses bactéries sont également spécialisées dans la dégradation des hydrocarbures (bactéries hydrocarbonoclastes), composants majeurs des plastiques. La capacité de dégradation de différents types de plastiques par les bactéries a largement été abordée dans la littérature, montrant une vaste diversité de bactéries capables de les dégrader (voir par exemple la revue de Shah et al. 2008). On aperçoit ici l’enjeu environnemental des recherches actuelles visant à mieux caractériser la biodégradation des plastiques par les communautés bactériennes.
Les étapes de la dégradation en mer
Un plastique qui arrive en mer va d’abord subir une dégradation abiotique (non biologique). Des dégradations physiques (vagues, température et UV) et chimiques (oxydation ou hydrolyse) vont contribuer à fragiliser les structures des polymères (Ipekoglu et al., 2007) et réduire le plastique en morceaux de plus petite taille. La dégradation biologique intervient ensuite. Elle est composée de quatre étapes successives (Figure 1).
1. La bio-détérioration est engendrée par l’action mécanique du biofilm bactérien qui se forme à la surface du plastique (Figure 2) et qui va pouvoir agrandir les fissures déjà présentes (Bonhomme et al., 2003). Une dégradation chimique peut également être orchestrée par la grande diversité des espèces présentes dans le biofilm, telle que la production de composés acides par les bactéries chimiolithotrophes et chimioorganotrophes.
2. La bio-fragmentation est l’action d’enzymes bactériennes libérées à l’extérieur des cellules pour cliver les polymères plastiques en séquences plus courtes, oligomères et monomères. Les oxygénases, par exemple, rendent les polymères de plastique plus hydrosolubles et donc plus facilement dégradables par les bactéries. Les lipases et les estérases attaquent spécifiquement les groupes carboxyliques et les endopeptidases les groupements amines. Différentes espèces bactériennes sont impliquées dans ce processus (Ghosh et al. 2013).
3. L’assimilation consiste au transfert des molécules plastiques de taille <600Da (daltons) dans les cellules bactériennes et à leur transformation en composés cellulaires et en biomasse.
4. La minéralisation correspond à la dégradation complète du plastique en molécules oxydées (CO2, N2, CH4, H2O).
Des études ont démontré que la souche R. ruber C208 incubée 30 jours sur du polyéthylène photo-oxydé (Figure 2) conduisait à la formation d’un biofilm et contribuait à la perte de 8% du poids sec de plastique (Sivan 2011). Si d’autres exemples de ce type ont été rapportés dans la littérature, ces observations reposent néanmoins sur des études en condition de laboratoire qui utilisent une seule espèce bactérienne. Or, le processus en milieu naturel est beaucoup plus complexe et fait intervenir de nombreuses espèces bactériennes. A notre connaissance, une seule étude a caractérisé les communautés bactériennes qui colonisent les plastiques avec les nouvelles approches de pyroséquençage haut-débit (Zettler et al. 2013), mais ces travaux ne donnent aucune indication sur leur capacité de dégradation des plastiques.
L’enjeu actuel des recherches dans ce domaine repose sur la meilleure compréhension des mécanismes de biodégradation des plastiques par les communautés naturelles. Quelles espèces colonisent les plastiques et lesquelles sont capables de les dégrader ? Les mécanismes moléculaires mis en jeu pour la dégradation sont-ils aussi différents que la grande variété de leur composition ? Actuellement, le programme national PlasticMicro coordonné par le Laboratoire d’Océanographie Microbienne de Banyuls (PI. JF Ghiglione) et financé par le CNRS tente de répondre à cette question. Une approche couplée de DNA-SIP et de pyroséquençage haut débit déjà utilisée pour identifier les bactéries capables de dégrader les hydrocarbures aromatiques polycycliques (Sauret et al. 2014) est proposée dans ce programme. Cette approche repose sur le marquage isotopique des plastiques et le suivi de leur incorporation par les bactéries pour accéder à la communauté fonctionnelle des « bactéries plasticlastes ». Ces travaux sont également mis en relation avec la récente expédition scientifique «Tara Méditerranée» coordonnée par l’Observatoire Océanologique de Villefranche (PI. G. Gorsky et M.L. Pedrotti) qui a récolté les microplastiques dans toute la Méditerranée.
Les plastiques biodégradables : une solution ?
La dégradation des plastiques conventionnels en mer est un processus très lent (>100 ans) qui conduit à leur accumulation dans les océans. Par exemple, on estime que la concentration de microplastiques en Méditerranée augmentera de 8% dans les 30 prochaines années (Lebreton et al., 2012). De nouveaux plastiques dits « biodégradables » apparaissent sur le marché pour réduire l’impact des déchets plastiques en mer.
La définition d’un plastique biodégradable est donnée par la norme européenne EN 13432 de 2007 qui fixe la biodégradabilité à un seuil d’au moins 90% de dégradation en six mois maximum dans des conditions de compostage (environnement microbiologique actif dans des conditions particulières d’humidité et de température). Le résultat de cette dégradation est la formation de biomasse bactérienne ou sa minéralisation. Cette norme ne donne pas d’information sur la biodégradabilité dans des conditions environnementales – en milieu marin notamment – et suggère une collecte des plastiques biodégradables. Sachant que les plastiques retrouvés en mer ont pour origine un manque de collecte, le fait de répondre à cette norme ne résout pas le problème des déchets plastiques en mer. Néanmoins, la recherche et l’innovation peuvent proposer d’autres solutions.
Les plastiques biodégradables sont de deux types :
– Les plastiques « hydro-biodégradables » ou « biosourcés » sont des produits issus de l’agriculture tels que l’amidon de maïs de maïs ou de pomme de terre. Si ce type de plastiques répond à la norme EN 13432 (qui suppose leur compostage), sa dégradation en milieu « naturel » reste sujette à controverse. D’autre part, il est entre 4 et 10 fois plus coûteux qu’un plastique classique et encourage l’agriculture intensive (utilisation d’engrais et de pesticides pour améliorer le rendement des récoltes).
– Les plastiques « oxo-biodégradables » sont de même composition primaire que les plastiques conventionnels (polyéthylène, polypropylène, polystyrène,… même filières de production) auxquels ont été ajoutés des stabilisants qui permettent de prédire leur durée de vie et des pro-oxydants qui facilitent leur biodégradation par les microorganismes. Si la dégradation abiotique de ces plastiques est bien documentée, la démonstration de leur biodégradation reste un sujet d’équivoque dans le domaine. Néanmoins, les évolutions des formulations des additifs semblent prometteuses. Très récemment, l’additif « d2w» (http://www.symphonyenvironmental.com/d2w/) a obtenu un écolabel (365.001/14) décerné aux produits respectueux de l’environnement selon les normes ISO 14020:2002 et 14024:2004.
Conclusions
Différentes actions de recherches nationales et internationales ont été encouragées ces dernières années devant l’ampleur de la pollution par les plastiques en mer. La compréhension des mécanismes de leur biodégradation en mer est à ses balbutiements. Si certains mécanismes ont été observés en condition de laboratoire, leur étude en milieu naturel reste largement inexplorée. Par exemple, les mécanismes moléculaires de bio-détérioration, bio-fragmentation, bio-assimilation et bio-minéralisation sont aujourd’hui inconnus. La diversité des microorganismes associés à ces différentes étapes de la biodégradation est également ignorée. La compréhension de ces processus permettra de mieux définir les taux de biodégradation des plastiques et de mieux prédire le devenir des plastiques dits « biodégradables » en mer.
La mer est le réceptacle ultime de tous les déchets produits sur terre (80% des déchets retrouvés en mer proviennent de la terre). La solution au problème de la pollution des plastiques en mer ne viendra certainement pas de la mer elle-même, mais d’une prise de conscience des citoyens qui sont responsables de cette pollution (plus de 30% des déchets plastiques retrouvés en mer proviennent d’un manque de collecte de la part des ménages).
Glossaire
Bactéries chimiolithotrophes : Bactéries puisant leur énergie dans les liaisons chimiques de composés minéraux.
Bactéries chimioorganotrophes : Bactéries puisant leur énergie dans les liaisons chimiques de molécules organiques.
Groupement carboxyle : – CO2
Gyre océanique : tourbillon d’eau océanique formé d’un ensemble de courants marins et provoqué par la force de Coriolis.
Hydrocarbure : composé organique constitué exclusivement d’atomes de carbone et d’hydrogène.
Organismes saprophytes : micro-organismes qui se nourrissent de matières organiques en décomposition qu’ils transforment en matière minérale.
Poissons pélagiques : poissons vivant et se nourrissant dans la colonne d’eau.
Pyroséquençage haut débit : technique permettant de séquencer le génome rapidement avec une lecture directe de la séquence.
SIP : Stable Isotope Probing, technique en écologie microbienne qui permet de tracer les flux de nutriments utilisés par les microorganismes. Le substrat est enrichi avec un isotope stable qui est consommé par les organismes à étudier.
Zooplancton : organismes de type animal qui flottent au gré des courants, ils sont à la base de la plupart des chaines alimentaires.
Bibliographie
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Barnes DK, Galgani F, Thompson RC and Barlaz M, 2009. Accumulation and fragmentation of plastic debris in global environments. Philosophical Transactions of the Royal Society B: Biological Sciences, 364(1526): 1985-1998.
Collignon A, Hecq JH, Glagani F, Voisin P, Collard F et Goffart A, 2012. Neustonic microplastic and zooplankton in the North Western Mediterranean Sea. Marine pollution bulletin, 64(4): 861-864.
Cózar A, Echevarría , et al., 2014. Plastic debris in the open ocean. Proceedings of the National Academy of Sciences, 111(28): 10239-10244.
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Ghosh SK, Pal S and Ray S, 2013. Study of microbes having potentiality for biodegradation of plastics. Environmental Science and Pollution Research 20: 4339-4355.
Hidalgo-Ruz V, Gutow L, Thompson RC and Thiel M, 2012. Microplastics in the marine environment: A review of the methods used for identification and quantification. Environ Sci Technol 46(6): 3060–3075.
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Masó M, Garcés E, Pagès F and Camp J, 2007. Drifting plastic debris as a potential vector for dispersing Harmful Algal Bloom (HAB) species. Sci. Mar. 67: 107−111.
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Teuten EL, Saquing JM et al., 2009. Transport and release of chemicals from plastics to the environment and to wildlife. Phil. Trans. R. Soc. B 364: 2027e2045
Wright SL, Thompson RC and Galloway TS, 2013. The physical impacts of micro- plastics on marine organisms: a review. Environ. Pollut. 178: 483e492.
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Article édité et mis en ligne par Anne Teyssèdre.
Trés bon article! Lexique accessible à un vaste public. Analyse objective et transparente (absence de critique pouvant susciter l’animosité des refutants).
L’article présente le problème, les sources, des chiffres et surtout des possibles solutions (pas qu’au niveau individuel mais aussi industriel). Bon fichier à sauvgarder sur son propre database!
Petite remarque: le site de la SFE ne s’affiche pas dans les premiers résultas d’un moteur de recherche comme Google. C’est dommage, puisque si l’on connaît pas l’existance du site, on peut passer à côté. Il m’aura fallu des jours de recherche (mots-clés ciblés) avant de le découvrir par hasard.
Bonjour,
Pourquoi un plastique est plus biodégradable qu’un autre ? Quels sont les mécanismes chimiques ou bactériens qui interviennent ? Pourquoi un plastique « classique » met-il 400 ans à se dégrader alors qu’il est constitué de matières issues du pétrole qui normalement est biodégradable ?
Qu’appelle t’on biodégradable au regard du temps (6 mois, 1 an, …) ?
Merci d’avance pour vos réponses!
Bonjour,
Merci pour l’intérêt que vous portez à notre article et pour votre question pertinente.
Effectivement, un plastique est un matériel issu de la pétrochimie et comme vous le soulignez, les hydrocarbures sont relativement facilement bio-dégradables. En milieu marin, ce processus de biodégradation des hydrocarbures est essentiellement réalisé par les bactéries. Et les bactéries en raffolent ! Le pétrole est une source de nourriture pour certaines d’entre elles, qu’on appelle les bactéries « hydrocarbonoclastes » (spécialisées dans les dégradation des hydrocarbures, fdont certaines s’appèlent Alcanivorax sp. , Cycloclasticus sp., Marinobacter hydrocarbonoclasticus). Elles se sont adaptées au pétrole qu’elles trouvent en milieu marin et qui peut être à la fois d’origine naturelle (le phytoplancton en produit par exemple – il existe des origines à la fois de la pyrolyse, de la diagénèse ou de la biosynthèse) ou d’origine anthropogénique (rejets urbains ou industriels, transport maritime, raffineries).
Le problème pour la biodégradation des plastiques est qu’il s’agit de polymères complexes, constitués de longues chaines carbonées très stables (contrairement aux hydrocarbures raffinés) qui sont difficilement accessibles pour les bactéries. Il faut avant tout oxyder ce polymère qui est constitué essentiellement de carbone et d’hydrogène (hydro-carbone), autrement dit de rajouter des atomes d’oxygènes. Une fois que les bactéries s’attachent à cette structure hydrophobe (pas facile de s’accrocher sur quelque chose de plutôt huileux), il faut qu’elle arrivent à oxyder le polymère. Puis, comme c’est expliqué dans les différentes étapes détaillées dans l’article, il faudra transformer cet énorme polymère en des monomères de la taille d’une protéine pour qu’il puisse rentrer dans la cellule et être métabolisé. Imaginez un microplastiques (<5mm) quand vous mesurez à peine 1micrometre ! Ca va prendre du temps à dégrader… surtout si ce microplastique est difficile à dégrader !
Pour répondre à la question du temps de dégradation. Mmmmh ! Ca c’est une question vraiment difficile. On trouve toujours cette valeur de 400 ans dont l’origine est une estimation ‘à la louche’ faite dans un journal sérieux mais pas scientifique, le ‘Time magazine’. Et tout le monde a repris cette valeur qui ne repose, à ma connaissance, sur aucune étude scientifique. Car c’est très difficile à estimer… Des spécialistes du vieillissement des plastiques proposeraient plutôt des temps plus court, de l’ordre de 40 ans.
Visuellement, dans le milieu marin, nous ne pouvons avoir qu’un faible recul puisque l’utilisation des bouteilles plastiques par exemple ne s’est développées que depuis les années 1970. Comment savoir si les morceaux de microplastiques (<5 mm) que nous retrouvons aujourd'hui proviennent de matière plastique rejetée par nos parents et grands-parents ? C'est ce que nous allons estimer dans les prochaines années grâce à une collaboration avec le CNEP de Clermont Ferrand sur des échantillons prélevés dans toute la Méditerranée, lors de la campagne TaraMéditerranée (voir http://oceans.taraexpeditions.org/lexpedition-tara-mediterranee-2/).
Evidemment, tout dépend de la composition des plastiques. Les plastiques à base de polypropylène sont plus résistant que ceux à base de polyéthylène. Tout dépendra également de l'épaisseur, ou encore des additifs ajoutés aux plastiques. Certains additifs rendent les plastiques plus résistant ou plus souples (les phtalates, par exemple). D'autres permettent de mieux maîtriser leur durée de vie, comme c'est le cas des oxo-biodégradables dont la durée de vie est estimée à 1-2 ans dans l'environnement. Mais ici, je m'avance sur un domaine dont je ne suis pas spécialiste et qui encore très controversé.
Bref, pour votre question sur le temps de vie des plastiques en mer, et bien… honnêtement, c'est une question complexe auquel je ne suis pas sûr qu'on puisse répondre en l'état actuel des connaissances !
Un grand merci pour ce résumé très intéressant.
Est-ce qu’une « bioremédiation » de plastiques « bio-conçus » est envisageable à un coût raisonnable ?
Merci,
Claude
La bioremédiation est une action humaine qui vise accélérer ou à améliorer la dégradation naturelle des polluants. On peut l’imaginer dans le cas des pollutions pétrolières par exemple, où on parvient à améliorer la dégradation bactérienne naturelle par un facteur 10. Dans la bioremédiation, on distingue la bioaddition et la biostimulation.
La bioaddition consiste à rajouter une ou plusieurs espèces bactériennes sélectionnées en laboratoire pour ses capacités de dégradation exceptionnelle. Malheureusement, ça ne fonctionne pas, car une fois remises dans le milieu naturel, les bactéries qui ont été cultivées en laboratoire meurent rapidement par compétition avec les autres bactéries dans le milieu naturel.
La biostimulation est de loin la plus efficace. Elle utilise des éléments nutritifs – des engrais comme du nitrate ou du phosphate – qui deviennent rapidement limitant dans le milieu marin en présence d’un apport massif de carbone pétrolier (hydro-carbures). La biostimulation vise à rééquilibrer les éléments C/N/P par l’ajout d’engrais, parfois combinés à des surfactants pour favoriser l’accessibilité au pétrole hydrophobe (huileux).
La bioremédiation est-elle possible dans le cas des plastiques (« bio-conçus » ou non) ? La réponse est NON. Les plastiques sont trop dilués dans le milieu, contrairement à une nappe de pétrole qui est concentrée à un endroit pour laquelle on peut envisager une action. On ne peut pas envisager de traiter les mers dans leur ensemble pour bio-remédier à la pollution des plastiques. La solution est à la source: améliorer la collecte des déchets. Et cela concerne chacun d’entre nous car la plupart des plastiques retrouvés en mer proviennent des ménages – des citoyens qui ne collectent pas correctement leurs déchets, qui finiront un jour ou l’autre en mer (lessivage des bassins versants dans les rivières, puis les fleuves et enfin la mer).
Merci beaucoup pour cet article très intéressant et sur un sujet encore une fois très sensible d’un point de vue environnemental.
La réduction de la production de déchet est le point de départ de la solution, le recyclage le plus efficace possible de ce qui est produit également.
Bien sur, tout cela avec la prise de conscience de tout le monde (particuliers et professionnels) de faire attention à ce que les collectes soient bien réalisées …
Attention aux décharges aériennes sur le littoral (nous avons un exemple à La Réunion, où par grand vent, des grandes quantités de sac plastiques s’envolent de la déchargent pour finir sur le littoral voire dans l’eau …).
Encore merci.
Merci pour cet article d’approche intéréssante. Il est étonnant de voir que contrairement à ce que l’on pense un plastique d’origine fossile puisse devenir biodégradable, et que finalement les produits à base végétale ne sont pas si écolo que cela … Encore des idées reçues que la science nous aide à combattre ..
Merci pour ce commentaire. Mon point de vue personnel est que la solution au problème des plastiques se situe en tout premier point au niveau de la collecte des déchets. Malheureusement, cette collecte n’est pas parfaite et chacun laisse négligemment s’envoler un sac plastique, laisse tomber un baton de sucette… et tout ça finira irrémédiablement à la mer.
Prévoir des solutions qui demandent une collecte supplémentaire pour un compostage ne résoudra pas le problème de la pollution par les plastiques en mer. Or actuellement, les normes ne vont que dans le sens du compostage, en favorisant les plastiques issues de l’agriculture (biosourcés pour qualifier leur origine, ou encore appelés hydrobiodégradables pour qualifier leur état en fin de vie).
D’autres plastiques dits oxo-biodégradables semblent fournir une solution, mais ils se heurtent au problème des normes actuelles qui ne parle de compostage. Les oxo-biodégradables permettent une meilleure gestion de la durée de vie du plastique, en jouant sur des additifs qui favorisent l’oxydation des plastiques et donc leur biodégradation en milieu naturel.
Dans le contexte de cet article qui concerne la biodégradation des plastiques en mer, il est aujourd’hui important à mon avis
(1) de diminuer la pollution à la source en favorisant une meilleure collecte et de changer le comportement des consommateurs dans le choix de produits moins gourmands en plastiques
et
(2) d’innover vers des plastiques qui se bio-dégradent facilement en milieu naturel (et pas forcément dans des conditions de compostage qui n’ont rien à voir avec un milieu naturel). Les plastiques oxo-biodégradables et les plastiques bio-sourcés (hydrobiodégradables) doivent aujourd’hui faire la preuve de leur biodégradation en milieu naturel, et notamment en mer. Le label « biodégradable » sur le seul critère du compostage ne résoudra pas le problème en milieu naturel. Et trop peu de résultats concrets issus d’études scientifiques indépendantes existent aujourd’hui dans ce domaine, à ma connaissance.
Bonjour,
Pris par leurs multiples activités, les deux auteurs de cet article n’ont pas encore pu répondre aux questions et commentaires ci-dessus, mais ne devraient pas tarder..
Bien cordialement,
Anne